25.1 C
CASABLANCA, MA.
18 juin 2025
ACTUALITÉSAFRIQUEBUSINESSFlash InfosSOCIETE

La Société Générale Maroc devient Saham Bank

C’est une page qui se tourne dans l’histoire bancaire du Royaume. Après plus d’un siècle de présence au Maroc, la Société Générale a officiellement cédé sa filiale locale au groupe Saham, marquant ainsi la fin de l’un des derniers grands bastions bancaires à capitaux majoritairement étrangers. L’opération, d’un montant estimé à plus de 745 millions d’euros, scelle l’arrivée de la Saham Bank, nouvelle entité 100 % marocaine portée par l’homme d’affaires et ancien ministre Moulay Hafid Elalamy.
L’annonce initiale de la cession avait été faite en juin 2023 par la Société Générale, dans un contexte de réorientation stratégique. Le groupe français avait alors fait part de sa volonté de recentrer ses activités sur des marchés jugés prioritaires, notamment en Europe, tout en se désengageant progressivement d’Afrique. Après des décennies d’ancrage au Maroc, cette décision n’était pas anodine.
La Société Générale Maroc, qui gérait un portefeuille conséquent de clients particuliers, entreprises et institutions, pesait historiquement lourd dans le paysage bancaire national. Elle était notamment l’une des trois grandes banques à réseau du Royaume, avec Attijariwafa Bank et la Banque Populaire. Sa cession représentait dès lors un enjeu symbolique et stratégique de premier ordre.
C’est dans ce contexte qu’est intervenue l’offre du groupe Saham, dirigé par Moulay Hafid Elalamy, figure influente du monde des affaires marocain et ancien ministre de l’Industrie et du Commerce. Le 12 novembre 2023, les deux parties ont signé un protocole d’accord pour la vente de 57,67 % du capital de la Société Générale Maroc. Cette part détenue par le groupe français a été cédée à la société Saham Finances, adossée à un véhicule d’investissement basé au Maroc.
Le processus d’acquisition s’est échelonné sur plusieurs mois, marqué par des discussions avec les autorités réglementaires marocaines, notamment Bank Al-Maghrib et l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC). La transaction a finalement été approuvée en mai 2024, puis finalisée en juin 2025, avec le lancement officiel de la nouvelle identité : Saham Bank.
Plus qu’un changement de nom ou de logo, cette reprise consacre un repositionnement profond. « Il ne s’agit pas d’une simple opération financière, mais d’un acte de souveraineté économique », déclare un proche du dossier. Avec Saham Bank, le groupe de Moulay Hafid Elalamy entend développer une banque ancrée dans les réalités locales, à même de répondre aux besoins spécifiques des PME, des jeunes entrepreneurs, et des territoires enclavés.
Dans les coulisses, l’ancien ministre ambitionne de faire de Saham Bank un acteur majeur du financement national, misant sur une stratégie d’inclusion financière, d’innovation technologique et de maillage territorial. L’enjeu est double : renforcer l’indépendance financière du Maroc, tout en réinjectant du capital dans les circuits économiques internes.
Une opération dans l’air du temps
Ce retour sous pavillon national s’inscrit dans une tendance plus large : celle d’une reconfiguration de la présence étrangère sur les marchés africains. Après le retrait partiel du Crédit Agricole et la cession d’actifs par BNP Paribas dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, la sortie de Société Générale du Maroc participe d’un mouvement général de recentrage européen.
Mais à la différence de certains pays où ces départs ont laissé des vides structurels, le Maroc anticipe et construit une relève endogène. En confiant les rênes de l’ex-Société Générale à un groupe national, le Royaume opte pour une consolidation souveraine de ses instruments financiers, dans une logique de réduction des dépendances.
La trajectoire de Saham Bank pourrait ne pas s’arrêter aux frontières marocaines. Selon plusieurs observateurs du secteur, le groupe de Moulay Hafid Elalamy ambitionnerait à moyen terme de déployer un réseau régional, notamment en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, capitalisant sur les anciennes implantations africaines de Saham Finances dans les assurances.
Si ces projets se concrétisent, Saham Bank pourrait devenir un acteur bancaire régional à part entière, dans un continent où les marges de croissance restent importantes malgré un contexte géopolitique tendu.
En toile de fond, cette opération interroge aussi sur le rôle de l’État dans la réorientation de ses instruments de souveraineté économique. Si le processus d’acquisition a été porté par un acteur privé, le profil de Moulay Hafid Elalamy — à la fois homme d’affaires et ancien ministre — témoigne d’une forme de coordination implicite avec les hautes autorités du pays.

Maroc diplomatique

Articles Connexes

Ce site utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que cela vous convient, mais vous pouvez vous désabonner si vous le souhaitez. Accepter Lire Plus