Le 4 décembre dernier, dans une salle baignée par la lumière hivernale du siège de la CDG, l’atmosphère ne ressemblait pas à celle d’une réunion officielle ni à un exercice de communication financière. Ce n’était qu’une rencontre informelle avec quelques patrons de presse, un échange sans protocole, sans mise en scène, presque sans enjeu apparent. Personne ne s’attendait à une grande annonce institutionnelle ni à la présentation en bonne et due forme de projets stratégiques. Et pourtant, au fil de la conversation, un récit s’est dessiné. Un territoire a pris de l’ampleur. Un nom s’est imposé : Dakhla.
C’est dans ce cadre modeste, presque improvisé, qu’a émergé l’une des informations les plus structurantes du jour : la création d’un nouveau pôle urbain de 30 hectares, destiné à devenir le futur centre-ville de Dakhla et, déjà, l’un des futurs emblèmes territoriaux du Cap 2030.
Cap 2030 : la CDG passe d’investisseur à architecte de trajectoires territoriales
Dès les premières minutes, Khalid Safir a planté le décor intellectuel du Cap 2030 : le Maroc n’entrera pleinement dans ses grandes transitions – logistique, industrielle, énergétique, touristique – qu’à la condition de s’appuyer sur des territoires structurés, attractifs et capables d’absorber la croissance. La vision n’isole plus les secteurs prioritaires ; elle tisse un fil directeur ; l’investissement doit désormais créer de la valeur territoriale autant que de la performance financière.
C’est dans cette logique que Dakhla s’impose au premier plan. La ville devient la matérialisation, presque pédagogique, d’une ambition plus vaste, celle de faire émerger au sein du Royaume des plateformes géo-économiques capables de rayonner à l’échelle régionale, voire continentale. En dévoilant le Cap 2030, Khalid Safir a redéfini avec précision le rôle de la CDG. L’époque où l’institution se considérait d’abord comme gestionnaire d’actifs ou simple levier financier appartient au passé. La Caisse assume désormais une mission plus exigeante, celle de produire de la cohérence territoriale, concevoir des trajectoires et aligner, dans la durée, les conditions de création de valeur dans le temps long.
Au centre de son argumentaire, une conviction claire et puissante que les grandes transitions du Maroc se joueront dans les territoires. Cette réalité impose aux investissements une double obligation : garantir des rendements soutenables et façonner des espaces capables de capter flux, entreprises et talents. Dans cette perspective, la stratégie 2030 n’a rien d’un exercice conceptuel. Elle relie les grands projets aux grands chantiers, exigeant que chaque initiative, qu’elle touche l’immobilier, les services, le tourisme ou la finance, génère un impact territorial mesurable, concret, durable.
Le Cap 2030 : une vision qui regarde loin, mais qui commence à Dakhla
La réunion n’était pas pensée pour être un show et n’avait rien d’un exercice de mise en scène. Elle relevait plutôt d’un moment de clarification stratégique, porté par une sobriété pleinement assumée. Le Cap 2030 y a été présenté comme un véritable pacte entre la CDG et le développement national, un repositionnement autour des grandes transformations à l’œuvre : montée en puissance des territoires, transitions écologique et énergétique, essor de l’économie de la connaissance, structuration progressive des régions en pôles robustes et interconnectés.
Dans ce cadre, l’annonce du pôle urbain de Dakhla ne surgissait pas comme un projet isolé, mais comme la traduction la plus tangible de cette stratégie. La preuve par l’espace. La preuve par la ville. Le Cap 2030 n’est pas une vision abstraite ; il se matérialise là où les territoires basculent, se recomposent, s’élèvent. Et c’est précisément pour cela que Dakhla occupe une place centrale dans cette matrice stratégique. Elle n’est plus un dossier parmi d’autres, elle devient le cas d’école, le laboratoire où s’éprouve, grandeur nature, la nouvelle grammaire territoriale du Maroc.
Car Dakhla s’inscrit désormais dans la dynamique d’un corridor géo-économique en pleine émergence. Avec le futur port Dakhla Atlantique, promis à devenir l’un des hubs maritimes majeurs du continent, et une zone de 6.000 hectares en cours de structuration pour accueillir industries, logistique et habitat, la ville se positionne comme un nœud stratégique des échanges avec l’Afrique de l’Ouest et, au-delà, comme un pivot de la façade atlantique africaine. Mais cette montée en puissance s’accompagne d’un défi considérable. Dakhla doit absorber une croissance d’une intensité rare. La ville concentre plus de 75 % de la population régionale, portée par un tourisme international en plein essor, un afflux soutenu d’investissements privés, une présence diplomatique grandissante et l’avancée rapide de chantiers d’infrastructure structurants.
Or, malgré ce dynamisme, Dakhla demeure dépourvue d’une véritable centralité urbaine. Son développement s’est construit par étirement, par ajouts successifs, sans qu’émerge un centre civique ou économique à la hauteur des ambitions qu’elle porte désormais. Pour la CDG, ce vide n’est pas un handicap ; c’est plutôt une opportunité stratégique rare. La possibilité de façonner, ex nihilo, la centralité qui donnera cohérence, attractivité et lisibilité à la Dakhla de demain, une centralité capable d’amplifier sa compétitivité, d’ancrer sa croissance et d’incarner, physiquement, le Maroc qui change d’échelle.
Trente hectares pour fabriquer une centralité durable
Le projet, tel qu’esquissé par M. Khalid Safir malgré sa sobriété, repose sur l’ambition claire de créer la pièce maîtresse de la Dakhla du futur. Une grande place centrale qui constituerait l’âme de la ville, pensée comme lieu de convergence sociale et économique structurant ; un tissu de commerces, bureaux, services qui ancrent l’activité… Parmi les annonces faites lors de la réunion, l’une des plus remarquées fut la mention d’un actif en apparence secondaire : un hôtel communal fermé depuis des années, bâtiment connaissant une longue période de déshérence.
La CDG est aujourd’hui en discussion avec les autorités pour l’intégrer au futur pôle urbain. Dans un plan stratégique, ce type d’indication passe souvent sous le radar. Mais ici, elle fait l’effet d’un signal fort. En s’intéressant à ce bâtiment, la CDG montre qu’elle ne cherche pas seulement à projeter Dakhla vers l’avenir mais elle entend réconcilier la ville avec son propre passé, transformer un vestige délaissé en actif vivant hôtel 5*, en élément de continuité urbaine. Cette bâtisse abandonnée deviendrait un pont entre deux époques, un symbole de transition assumée.
Dans la logique du Cap 2030, la réhabilitation des patrimoines urbains est un levier stratégique. À Dakhla, ce levier prend la forme de cet établissement déserté, promis à une seconde vie au cœur de la nouvelle centralité de la ville. Ces éléments, pris isolément, peuvent sembler classiques. Mais replacés dans leur contexte, ils prennent une autre dimension. Pour les habitants, il s’agit de créer un véritable centre-ville, là où la ville actuelle s’est surtout développée en longueur, par touches successives. Pour les investisseurs, il s’agit d’un signal de lisibilité. La centralité de demain est identifiée, soutenue par un acteur institutionnel lourd, articulée à un projet portuaire majeur et à une stratégie nationale. On ne fabrique pas seulement un quartier :
on fabrique une ancre urbaine pour un futur hub géo-économique. Ce pôle urbain n’est pas qu’une opération immobilière. C’est un signal macroéconomique et les investisseurs aguerris savent que ces signaux comptent. Lorsque la CDG s’engage sur un territoire, elle n’y entre jamais à pas feutrés. Elle y agit comme un lanceur d’ancrage, stabilisant les anticipations, réduisant le risque perçu, clarifiant la trajectoire de développement et attirant, presque naturellement, la confiance des opérateurs privés. Ce rôle d’institution pivot est l’un des piliers du Cap 2030. L’ambition n’est pas de générer un frémissement conjoncturel ou un effet de mode, mais de produire de la valeur durable, fondée sur l’usage, la mobilité, la qualité de vie, les besoins institutionnels et la stabilité foncière.
D’ailleurs, la rencontre du 4 décembre l’a montré avec netteté : la CDG entend peser activement sur la structuration du Sud du Maroc, en y insufflant une vision urbaine moderne, cohérente, capable de soutenir une croissance d’envergure. Le futur centre-ville de Dakhla s’inscrit pleinement dans cette dynamique. Il ne s’agira pas d’un simple quartier, mais d’un instrument d’équilibre, un levier d’attractivité, un repère lisible pour les investisseurs, et l’un des marqueurs les plus tangibles du repositionnement stratégique du Sud comme espace clé dans la recomposition des flux entre l’Europe et l’Afrique.
En choisissant Dakhla comme terrain d’application majeur du Cap 2030, la CDG affirme une position décisive : le Sud n’est pas une périphérie à accompagner, mais un avant-poste appelé à jouer un rôle structurant dans l’économie atlantique émergente. Avec ce projet, la CDG ne répond pas à une demande ; elle fixe un cap. Un cap net, assumé, parfaitement aligné avec l’horizon 2030. Quant à Dakhla, elle ne se contente plus de tenir sa place sur la carte. Elle s’apprête à en redessiner les contours, portée par l’ambition de la CDG et par une vision qui embrasse clairement la décennie à venir. Car ce projet n’est pas une opération de plus mais la première pierre d’un récit plus vaste, celui d’une ville qui se repositionne comme centre plutôt que comme marge.
Le pôle urbain annoncé n’est pas l’aménagement d’un terrain. C’est une déclaration. La preuve que Dakhla ne sera plus un simple point sur la carte, mais une centralité en devenir, structurante, assumée. M. Khalid Safir a rappelé que l’annonce officielle – plans, chiffres, calendrier – sera dévoilée en 2026. Mais l’essentiel était déjà perceptible en filigrane. Dakhla n’a pas besoin d’un quartier supplémentaire. Elle a besoin d’un foyer urbain. Et c’est précisément ce que la CDG s’apprête à lui offrir.
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