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26 juillet 2025
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Géopolitique du tourisme : un moteur aux visages multiples

Le redéploiement des économies après la crise sanitaire a confirmé le rôle central du tourisme dans les trajectoires de croissance nationales. Bien au-delà de la simple réception de visiteurs, le secteur cristallise aujourd’hui les enjeux d’attractivité, de résilience des territoires et d’intégration dans les chaînes de valeur mondiales. Le dernier rapport du World Travel & Tourism Council (WTTC), publié en juillet 2025, en offre une lecture structurante : les dix premières puissances touristiques mondiales en 2024 ont généré, à elles seules, plusieurs milliers de milliards de dollars de valeur ajoutée.
Les États-Unis conservent une avance confortable, avec 2 360 milliards de dollars issus du tourisme. Cette domination s’appuie sur la profondeur du marché domestique, la densité urbaine des pôles d’attractivité, ainsi qu’une offre culturelle et naturelle diversifiée. La Chine talonne le leader, avec 1 300 milliards de dollars, en progression constante. Pékin capitalise sur une classe moyenne en expansion, un maillage logistique performant et une politique volontariste de promotion du patrimoine. À ce rythme, plusieurs scénarios anticipent une inversion du classement à l’horizon 2030.
En Europe, l’Allemagne tire son épingle du jeu en misant sur un tourisme urbain, culturel et d’affaires, loin des logiques balnéaires saisonnières. Avec près de 488 milliards de dollars, elle devance le Royaume-Uni, le Japon et la France, où les grandes capitales mondiales – Londres, Tokyo, Paris – peinent pourtant à transformer leur afflux touristique en rendement économique. La France, première destination mondiale en nombre de visiteurs, ne se hisse qu’au sixième rang en valeur, avec 264,7 milliards de dollars, révélant une rentabilité perfectible.
Ce contraste entre fréquentation et performance économique se prolonge en Espagne et en Italie, dernières du Top 10. L’attrait culturel et paysager reste fort, mais l’offre souffre d’une saturation des sites majeurs, d’une concentration saisonnière excessive et d’une diversification encore limitée. Le modèle méditerranéen, basé sur la reproduction intensive d’un tourisme de flux, montre aujourd’hui ses limites.
À l’inverse, les économies émergentes reconfigurent la hiérarchie mondiale. Le Mexique enregistre 261,6 milliards de dollars, grâce à une politique touristique offensive centrée sur les zones balnéaires, les traditions culinaires et l’hospitalité locale. L’Inde, avec plus de 231 milliards, s’impose comme un géant en devenir, portée par la redécouverte de ses circuits spirituels et par un tourisme intérieur en forte croissance.
Montée en puissance du Maroc
Le Maroc incarne un cas emblématique de résilience et de montée en puissance régionale. Avec 15,2 millions de visiteurs enregistrés en 2024, le pays franchit un seuil symbolique, doublé d’un record historique en matière de recettes touristiques, atteignant 112,9 milliards de dirhams, soit environ 11 milliards de dollars. Ces performances, qui dépassent les niveaux de 2019, consolident le rôle du tourisme comme pilier du produit intérieur brut national, avec une contribution estimée à 7,6 %.
Cette dynamique repose sur plusieurs leviers. L’amélioration du maillage logistique, l’extension du réseau aérien, l’essor du tourisme intérieur et rural, la diversification vers les segments du bien-être et de la culture, ainsi que le déploiement d’une diplomatie touristique proactive jouent un rôle déterminant. À cela s’ajoute un contexte de stabilité relative dans une région traversée par de nombreuses turbulences, conférant au Royaume une image de destination sûre et accueillante.
Les perspectives à moyen terme convergent vers une nouvelle ambition. Porté par les effets d’entraînement attendus de la Coupe du monde 2030, coorganisée avec l’Espagne et le Portugal, le Maroc table sur plus de 20 millions de visiteurs à l’horizon 2030. Le repositionnement du secteur sur des segments à plus forte valeur ajoutée – tourisme haut de gamme, tourisme durable, tourisme d’affaires – est désormais au cœur des politiques publiques.
Cette recomposition des hiérarchies touristiques mondiales illustre les mutations géoéconomiques contemporaines. Le centre de gravité bascule lentement mais sûrement vers l’Asie, tandis que le modèle nord-américain fait preuve d’une robustesse durable. Pour les économies européennes, le défi est double : préserver leur attractivité patrimoniale, tout en réinventant leur modèle économique en misant sur la montée en gamme, la gestion raisonnée des flux et l’innovation dans l’expérience touristique.

Maroc diplomatique

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