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28 avril 2024
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France: la loi immigration largement censurée par le Conseil constitutionnel

(FILES) French President Emmanuel Macron (R) attends a customary ceremony in his honour as Interior Minister Gerald Darmanin watches in Touho, north of New Caledonia on July 25, 2023. - French Interior Minister Gerald Darmanin offered to resign on December 11, 2023 after a controversial immigration bill was rejected by parliament's lower house, but President Emmanuel Macron refused to accept his resignation, the presidency said. (Photo by Raphael LAFARGUE / POOL / AFP)
Le Conseil constitutionnel français a censuré jeudi une grande partie des articles de la loi immigration, décision très contestée à droite mais satisfaisante pour le gouvernement qui s’apprête à promulguer le texte «dans les prochaines heures» pour appliquer les      premières mesures «dès ce weekend».
Le couperet est tombé. Le Conseil constitutionnel français a décidé, hier jeudi 25 janvier, de censurer très largement la controversée loi immigration, votée définitivement à l’Assemblée nationale le 19 décembre dernier avec le soutien de la droite et de l’extrême droite. Comme anticipé par plusieurs constitutionnalistes, mais aussi par le gouvernement, plusieurs dispositions de ce texte n’ont pas passé le cap des Sages.
L’ampleur de la censure, qui concerne 40% du texte, en réduit considérablement la portée politique, puisque seules des dispositions «techniques» subsistent dans la mouture finale. En effet, sur les 86 articles du texte, 35 ont été retoqués totalement ou partiellement par les Sages.
Après deux jours de délibérations, l’institution présidée par l’ex-Premier ministre socialiste Laurent Fabius a donc expurgé le texte d’une bonne partie de son contenu. Pour des raisons de forme plus que de fond: 32 articles ont ainsi été censurés, car les Sages ont jugé qu’ils étaient des «cavaliers législatifs», c’est-à-dire des articles qui n’avaient pas leur place dans le périmètre de ce texte.
C’est notamment le cas de la mesure allongeant la durée de résidence exigée pour que des non-Européens en situation régulière puissent bénéficier de certaines prestations sociales, comme les aides au logement et les allocations familiales. Idem pour le resserrement des critères du regroupement familial, l’instauration d’une «caution retour» pour les étudiants étrangers ou la fin de l’automaticité du droit du sol pour les enfants d’étrangers nés en France.
L’article prévoyant la délivrance d’un titre de séjour de plein droit pour les britanniques possédant une résidence secondaire en France est également censuré, tout comme l’amende pour délit de séjour irrégulier. Toutes les dispositions de la loi relative au droit de la nationalité -comme la déchéance de nationalité pour les auteurs de crimes contre les forces de l’ordre- sont également censurées.
Trois autres mesures ont été rejetées sur le fond, en particulier l’instauration par le Parlement après un débat obligatoire de quotas migratoires annuels, jugée contraire à la Constitution au titre de la séparation des pouvoirs, ce qui fera jurisprudence. Quant à l’article sur les régularisations de travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, qui avait cristallisé les débats de l’automne, il perdure dans le texte.
Le président français Emmanuel Macron a aussitôt «pris acte» de cette décision, qui a selon lui «validé quasi intégralement» le projet initial du gouvernement, et demandé à Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, de «tout mettre en oeuvre pour que la loi soit appliquée dans les meilleurs délais».
Le chef de l’état promulguera le texte «dans les heures qui viennent», a indiqué dans la soirée sur la chaîne de télévision TF1 le ministre de l’Intérieur, qui a convoqué les préfets ce vendredi matin pour leur donner ses premières instructions en matière de contrôles, d’expulsions et de régularisations.
Insuffisant pour la leader d’extrême droite Marine Le Pen, selon qui «cette très large censure» confirme que «seule une réforme de la Constitution permettra de répondre aux enjeux migratoires». Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a lui dénoncé «un coup de force des juges, avec le soutien du président de la République» qui avait lui-même saisi les Sages.
«Le Conseil constitutionnel a donc censuré la loi immigration alors que les Français demandent une réforme bien plus radicale sur le sujet. Il faut faire appliquer la volonté du peuple et lui donner la parole. Une seule solution : le référendum comme le demande Marine Le Pen», a affirmé le député européen Thierry Mariani (RN).
Avant même la décision du Conseil constitutionnel, anticipant cette censure, Les Républicains (LR) étaient eux aussi montés au créneau pour demander, comme ils le font avec insistance depuis un an, une révision de la Constitution. «Si le Conseil constitutionnel dit que la Constitution ne permet pas de le faire, il reviendra au président de la République de modifier la Constitution», a lancé Bruno Retailleau, le patron des sénateurs LR, le jeudi matin sur France Inter.
Éric Ciotti, le président du parti, a critiqué une décision «politique». «Le Conseil constitutionnel a censuré la loi immigration. Ils ont jugé en politique plutôt qu’en droit. Cette censure était attendue par Emmanuel Macron et la gauche. Une réforme constitutionnelle apparaît plus que jamais indispensable pour sauvegarder le destin de la France!», a-t-il déclaré sur X.
Toutes ces mesures avaient été portées par Les Républicains (LR) dans le cadre de l’accord passé avec la majorité pour faire voter la loi. Cela n’a pas échappé à Gérald Darmanin, qui s’est félicité du maintien des dispositions figurant dans le projet initial du gouvernement.
«Le Conseil constitutionnel valide l’intégralité du texte du gouvernement : jamais un texte n’a prévu autant de moyens pour expulser les délinquants et autant d’exigence pour l’intégration des étrangers !», a-t-il réagi sur X (anciennement Twitter).
«Ce n’est pas une politique migratoire que le Conseil a censuré, mais une procédure législative mal conduite», résume à l’AFP la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, de l’Université de Rouen.
Lesdits «cavaliers législatifs» pourraient néanmoins réapparaître à l’avenir dans de nouveaux textes. La droite le réclame déjà: Les Républicains ont exhorté l’exécutif à repêcher «l’ensemble des dispositions invalidées». Mais Gérald Darmanin a fermé la porte en affirmant que le gouvernement «ne représentera pas de projet de loi» sur le même thème.
«Tache indélébile»
Les «coups de ciseaux» du Conseil constitutionnel ont été accueillis avec «satisfaction» à gauche de l’échiquier politique, même si «le gouvernement portera comme une tache indélébile l’appel à voter» la loi, a réagi le premier secrétaire du PS Olivier Faure.
Le député écologiste Benjamin Lucas, à l’origine de la motion de rejet qui avait empêché l’examen du projet de loi au Palais-Bourbon, s’est félicité de cette «victoire juridique» après la décision du Conseil constitutionnel. «Le président de la République reste comptable, aux yeux de l’Histoire, d’être celui qui le 19 décembre 2023 a fait voter pour la première fois depuis 1945 une loi sur l’immigration avec le soutien de l’extrême droite», a-t-ajouté depuis le Palais-Bourbon.
Le coordinateur de La France insoumise Manuel Bompard a lui appelé l’exécutif à «retirer» une loi «totalement amputée» après cette large censure.
Un peu plus tôt dans la journée du jeudi, le ministère de l’Intérieur français avait publié les chiffres -records- de l’immigration pour 2023, avec une accélération des expulsions comme des régularisations de travailleurs sans-papiers. Des statistiques qui reflètent selon M. Darmanin les «priorités politiques» contenues dans ce projet de loi.
Le Conseil constitutionnel n’est «pas là pour rendre des services politiques» mais «une décision juridique», a souligné son président Laurent Fabius sur la radio France Inter. «C’est quand même très spécifique, y compris dans l’Histoire, de considérer que ceux qui ont pour charge, en vertu de la Constitution, de dire le droit font un coup d’État contre le droit», a commenté Laurent Fabius, interrogé sur des propos du LR Laurent Wauquiez, qui avait dénoncé «un coup d’État de droit».
Par Le360 (avec AFP)

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